
Dans le cadre de la « lettre des Refuges » de la LPO Loire, mon ami Vincent m’a demandé d’illustrer son article sur les couleuvres que l’on peut rencontrer dans notre département. J’ai croqué avec grand plaisir les 5 reptiles concernés au feutre (d’après photos), et vous fais donc profiter de son article, que voici.
« Des couleuvres au jardin
En aménageant avec passion notre jardin, en y invitant les murets, cavités, mares, prairies pour accueillir la diversité, nous sommes appelés dès les beaux jours à rencontrer ces curieux colocataires sans pattes. Les « colubridés » sont de pacifiques reptiles qui ont toute leur place dans nos refuges et la plupart du temps nous les côtoyons sans même soupçonner leur présence…
N’allez pas là-bas les enfants ! (broussailles, tas de bois, pierres sèches…) Il y a des bêtes ! Qui n’a pas entendu cet avertissement ? Surtout si le voisinage (vous, moi…) ne « nettoie » pas consciencieusement son terrain ce qui attire inéluctablement les sales bêtes !
Hop, ni une ni deux, on y va quand même les enfants ! Rien de tel pour éviter les cauchemars que d’aller à la rencontre des monstres en question ! Mieux vaut une crise de plaisir à les observer qu’une crise d’angoisse à écouter les balivernes ancestrales. De mémoire de nain de jardin, personne n’a jamais été retrouvé avec son semoir et sa bière dans le ventre d’une couleuvre ligérienne.
Sans compter la rare coronelle girondine voilà donc, brièvement présentées, cinq espèces de couleuvres (sur les huit espèces françaises) qui se rencontrent plus ou moins fréquemment dans notre département.
Des « serpents » dans les arbres !
Terrestre mais volontiers arboricole la couleuvre verte et jaune est fine et longue. C’est une fée particulièrement agile et rapide, la voilà qui se faufile dans les branches, semble glisser délicatement dans le feuillage. C’est une adepte des lieux secs, maquis, lisières, coteaux, où elle chasse les rongeurs, les lézards (quelques petits oiseaux également mais seulement ceux qui dépriment…) et son petit côté ophiophage (cannibale) la pousse même à déguster sans état d’âme vipères et autres couleuvres…
La couleuvre d’esculape arboricole d’occasion est un rien plus paisible. Elle préfère une chaleur modérée. On la découvre dans les forêts clairsemées de feuillus, mais aussi au milieu des friches, ruines, pierres. Elle se délecte de petits rongeurs, d’insectes, sans toutefois dédaigner d’autres petites gourmandises comme les œufs d’oiseaux et parfois la maman des œufs bien qu’elle soit très gentille. Elle tue par constriction. Lorsqu’elle est inquiétée elle préfère souvent rester immobile.
Et des « serpents » dans l’eau !
Un ballet gracieux dans l’élément liquide, un ruban fou agité dans l’onde, voilà la couleuvre vipérine. Il est possible que l’impression de beauté soit légèrement altérée si on se trouve par hasard dans le bain avec elle. Toujours cette vieille peur irraisonnée. Appelée jadis « serpent d’eau » voire « aspic d’eau » c’est une espèce semi-aquatique qui aime la proximité de l’eau et les milieux humides. Elle y déguste des poissons, alevins, des vers et même des larves. Floc ! Elle plonge à la moindre alerte. Inquiétée, sans possibilité de fuite, elle prend alors une position défensive rappelant la vipère ce qui peut aussi lui causer de sérieux ennuis…
Pour être largement répandue dans le pays la couleuvre à collier, une couleuvre massive et grande, reste sans doute la plus connue. Présente jusque dans les agglomérations, elle est souvent proche des étangs, mares, rivières, gravières, mais aussi des coteaux broussailleux et pierreux. Elle nage avec aisance (tête hors de l’eau) et plonge si nécessaire. Sa nourriture est composée plus spécialement d’amphibiens, mais aussi de poissons, reptiles et micro- mammifères. C’est une comédienne d’envergure. Effrayée elle peut mimer une véritable attaque tout en émettant un liquide nauséabond ou simuler la mort en se retournant gueule ouverte, molle à souhait et ventre offert. Que du bluff !
Et d’autres qui paient aussi pour leur ressemblance…
Bien qu’un bref examen visuel fasse disparaître toute ambiguïté, la population de la coronelle lisse (les écailles sont lisses et douces au toucher) décline car elle est trop souvent confondue avec la vipère, et la détérioration de son biotope (désherbage chimique, débroussaillage, feux de friches) n’arrange pas l’affaire. Il s’agit d’une couleuvre petite et svelte qui aime les endroits secs et ensoleillés offrant de nombreux abris, talus, lisières et haies. Les lézards lui paient un lourd tribu, mais aussi les jeunes serpents, insectes et petits rongeurs.
C’est dit ! Approchons-nous discrètement. Respectons leur tranquillité. Gardons-nous surtout de tenter une capture. Il est inutile de manipuler sans raison les animaux sauvages quels qu’ils soient ! Et puis détendons-nous : oublions mythes et préjugés. Ces êtres qu’on dit gluants ne le sont pas du tout, pas plus qu’ils ne sont froids, qu’ils ne tètent les vaches ou n’hypnotisent leurs victimes. Hum ! Je sens que vous commencez à les aimer… ».
Vincent Brouallier